dimanche 25 janvier 2009

Extrait de "Rien Ne Va Plus", Douglas Kennedy.

" - Sans le grand méchant loup c'est possible papa ?
- Voyons un peu. Il y a une maison en paille, une autre en bois, une autre en brique. Et ensuite, quoi ? Ils fondent une association de quartier ? Non désolé, ma chérie mais sans le grand méchant loup ça ne marche pas vraiment....Et pourquoi ? Parce qu'une histoire c'est un drame. Le vôtre. Le mien. Celui du type qui est en train de la lire dans le métro en face de vous. Tout est récit, et le simple fait de conter, de narrer, renvoie à cette vérité première : nous avons besoin de crises, d'angoisse, d'espoir, de peur de se tromper, de soif de la vie que nous pensons vouloir et de la deception que nous inspire celle qui est la nôtre. D'un état de tension qui nous fasse croire à notre importance, à notre capacité à aller au delà du trivial. Du constat que nous restons constamment dans l'ombre du Grand Méchant Loup, même si nous avons tenté de le nier. De la menace qui se tapit derrière le moindre geste, la moindre décision. Du danger que nous constituons pour nous mêmes. Mais qui est le maître d'oeuvre de ces crises, en premier lieu ? Qui les invente, qui nous les inflige ? Certains parlent de Dieu, d'autres de la société. Ou serait-ce la personne que nous avons décidé de charger de tous nos maux, mari, femme, mère, patron ? Ou nous mêmes, peut être ? C'est à cause de ces i nterrogations que je n'ai pas encore entièrement compris jusqu'à ce jour ce qui m'était arrivé. J'avais certes un méchant dans ma saga personnelle, quelqu'un qui avait désiré ma ruine puis m'avait donné une nouvelle chance. Il avait un nom, je le connaissais et pourtant une question demeurait : et si c'était moi ? Je me suis encore regardé sur l'écran éteint de l'ordinateur, chacun de mes traits réhaussé par le fond noir. Le portrait d'un fantôme. En découvrant son reflet, le premier homme a sans doute été hanté par les remises en causes qui nous assaillent aujourd'hui : qu'y a t-il derrière cette image ? Qui suis-je, à proprement parler ? Sans trouver de réponse pas plus que jadis qu'alors sinon celle que je formulais en cet instant : Arrêtes de te torturer avec ça. Cesses de te laisser obséder par ces questions impossibles. Ignore la futilité de toute chose, n'essaie pas d'imaginer ce qui aurait pu être. assume et continues ta vie. Il n'y a pas d'autre choix et tu n'as qu'un seul recours : te remettre au travail. "

mercredi 15 octobre 2008